Pathogène/Epidémiologie
Incidence : 6 / 100 000 habitants / an en France (infection ostéo-articulaire la plus fréquente)
Arthrite aiguë hématogène
- Adulte : Staphylococcus aureus (50-70%, en grande majorité sensible à la méticilline), streptocoques (20%), entérobactéries (10%, plus fréquent si > 60 ans) +, gonocoque (rare, plus fréquent si < 30 ans), Brucella melitensis (cas importé)
- Enfant : Staphylococcus aureus, streptocoques (20%), Kingella kingae
- Nouveau-né : Staphylococcus aureus, streptocoque du groupe B
Arthrite aiguë par inoculation directe
- Infiltration, chirurgie : Staphylococcus aureus, Staphylococcus coagulase négative (SCN), Cutibacterium acnes
- Morsure animale : Pasteurella multocida, Capnocytophaga canimorsus
- Morsure humaine : Eikenella corrodens, Fusobacterium nucleatum
Clinique
Il s'agit le plus souvent d'une monoarthrite aiguë d'une grosse (genou, hanche) ou d'une petite articulation (atteinte pluriarticulaire dans 10-17% des cas).
Evoquer systématiquement une endocardite infectieuse si arthrite hématogène à S. aureus ou polyarthrite.
- Signes locaux :
- Douleur articulaire
- Impotence fonctionnelle
- Signes inflammatoires avec gonflement articulaire sauf si l’articulation est profonde
- Frissons et fièvre (cependant absente dans 50% des cas)
Diagnostic
Urgence diagnostique en raison de la morbi-mortalité et du risque fonctionnel secondaire aux dommages structuraux.
1. Ponction articulaire (éventuellement guidée par l’échographie (hanche) ou la TDM)
- Analyse cytochimique
- Envoi du liquide synovial dans un tube EDTA ou hépariné
- Aucun seuil leucocytaire parfaitement disciminant entre arthrite septique et autres arthrites inflammatoires. Toutefois, les seuils suivants peuvent être spécifiés :
- Plus de 50 000 éléments/mm3 (sensibilité 50%, spécificité 80-90%), pathognomonique si plus de 100 000/mm3 (spécificité > 95%)
- Plus de 90 % de polynucléaires neutrophiles souvent altérés
- Aucun autre marqueur biochimique n'est suffisament disciminant pour être recommandé.
- Recherche systématique de cristaux pour le diagnostic différentiel avec l'arthrite microcristalline (leur présence n'éliminant toutefois pas le diagnostic d'arthrite septique)
- Analyse microbiologique : réalisée avant tout traitement antibiotique
- Recueil sur poudrier stérile (ou tube sec), et si possible ensemencement sur flacons d'hémocultures
- Identification de l'agent infectieux par examen direct (positif dans 1/3 des cas) et cultures
- Biologie moléculaire : PCR universelle moins sensible que l'examen direct et la culture, PCR spécifiques selon le contexte
- Autres examens
- Hémocultures (avant toute antibiothérapie), positives dans 9-36% des cas
- Bilan inflammatoire (hémogramme, CRP)
- Sérologies si le contexte le justifie (borréliose, brucellose, …)
- Prélèvement de la porte d’entrée éventuelle selon le contexte (ECBU)
- Biopsie de synoviale : absence de supériorité pour l'identification bactériologique par rapport à l'analyse du liquide synovial, sauf dans certains cas particuliers (infection à mycobactérie) ou en l'absence de liquide ponctionnable
2. Imagerie
- Radiographie le plus souvent normale au début, réalisée comme référence pour le suivi, éliminer un diagnostic différentiel et rechercher une pathologie articulaire sous-jacente
- Echographie : non systématique, utile pour mettre en évidence la présence de liquide intra-articulaire, même en petite quantité, en particulier dans des articulations d’examen clinique difficile comme la hanche, permet de guider la ponction
- IRM : à réserver à des localisations spécifiques (symphyse pubienne, sacro-iliaques)
- Echographie cardiaque : systématique en cas de suspicion clinique d'endocardite infectieuse, ou d'arthrite à Staphylococcus aureus, streptocoques oraux non groupables, Streptococcus gallolyticus ou entérocoque.
Traitement
Drainage en urgence (si possible avant toute antibiothérapie)
- Ponction-aspiration initiale à l'aiguille à visée diagnostique et thérapeutique, devant être répétée tant que nécessaire en cas de reconstitution de l'épanchement
- Lavage articulaire chirurgical arthroscopique, pouvant être proposé d'emblée (absence de différence sur le pronostic en comparaison aux ponctions itératives), notamment pour les articulations difficilement ponctionnables, ou en cas d'échec des ponctions itératives et de l'antibiothérapie initiale (alors associé à une synovectomie). L'arthrotomie lavage doit être évitée car associée à un plus mauvais pronostic fonctionnel.
Antibiothérapie de l'arthrite aiguë hématogène de l'adulte
- Antibiothérapie probabiliste : à débuter seulement en cas de signes de gravité (sepsis), ou de liquide synovial franchement purulent et sans cristaux en analyse biochimique. Dans les autres situations, attente des résultats microbiologiques
- Avant 70 ans (prédomminance de S. aureus sensible à la méticilline et de streptocoques) : céfazoline IV 80-100 mg/kg/jour en 3 perfusions quotidiennes ou IVSE après une dose de charge de 30 mg/kg en 1 heure
- Après 70 ans (plus forte fréquence des BGN) : ceftriaxone IV 2 à 4 g/j en 1 à 2 perfusions/j ou céfotaxime IV 150-200 mg/kg/j en 3 perfusions/j
- ± gentamicine 8 mg/kg/24h, IV, en 1 administration par jour à la phase initiale du traitement, uniquement en cas de signes de gravité (sepsis, choc septique)
- Antibiothérapie après identification de l'agent infectieux (Cf. tableaux ci-dessous).
- Durée : 4-6 semaines (sauf arthrite gonococcique : 7 jours)
Antibiothérapies proposées au cours des infections ostéoarticulaires documentées de l’adulte ayant une fonction rénale normale |
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Agent infectieux |
Antibiothérapie parentérale |
Alternatives parentérales (selon les données de l'antibiogramme) |
Relais oral en fonction des données de l'antibiogramme |
Staphylocoque |
OU Cloxacilline OU Céfazoline |
Allergie vraie aux bétalactamines : OU Daptomycine |
Bithérapie parmi les molécules suivantes, selon l’antibiogramme :
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Staphylocoque méti-R |
Vancomycine si CMI vancomycine < 1,5 mg/L SINON Daptomycine |
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Streptococcus spp. |
OU Céfotaxime Si allergie vraie aux béta-lactamines : Vancomycine |
OU Clindamycine |
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Enterococcus spp. |
Si résistance à l’amoxicilline ou allergie vraie aux béta-lactamines : Teicoplanine OU Vancomycine |
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Entérobactéries |
OU Céfotaxime OU Céfépime (entérobactéries du groupe 3 : Enterobacter spp., Serratia spp., Morganella spp.) |
Si résistance aux céphalosporines, selon antibiogramme : OU Méropénem OU Ertapénem OU Céfépime |
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P. aeruginosa |
OU Ceftazidime ) |
OU si résistance aux autres bêtalactamines : |
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C. acnes |
OU Clindamycine |
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Anaérobies |
Selon antibiogramme |
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Polymicrobiennes |
Avis Spécialisé |
Avis Spécialisé |
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Candida spp. |
OU Caspofungine |
Fluconazole (durée prolongée) |
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Mycobactéries du complexe tuberculosis |
Cf. tuberculose |
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Brucella spp. |
Doxycycline + rifampicine +, pendant 7 à 14 jours, : gentamicine |
Posologies des antibiotiques utilisés au cours des infections ostéoarticulaires de l’adulte |
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Antibiotique (voie d’administration) |
Posologie (/24 h) (adulte) |
Rythme d’administration |
ß-lactamines |
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Amoxicilline (PO, IV) |
IV : 150 à 200 mg/kg/24h sans dépasser 16 g/24h PO : 4,5 à 6g/j |
IV : en 4 à 6 administrations ou perfusion continue (dose journalière divisée en 3 perfusions de 8h après dose de charge de 2 g sur 1h) PO : 3 prises quotidiennes |
Cloxacilline ou Oxacilline (IV) |
150-200 mg/kg/24h sans dépasser 16 g/24h |
En 4 à 6 administrations ou perfusion continue après une dose de charge de 2 g sur 1h |
Céfazoline (IV) |
80-100 mg/kg/24h |
En 3 administrations ou en perfusion continue après une dose de charge de 30 mg/kg sur 1h |
Céfotaxime (IV) |
75-100 mg/kg/24h |
En 3 à 4 administrations |
Ceftriaxone (IV, IM, SC hors AMM) |
50 à 70 mg/kg/24h (2 à 4 g/j) |
En 1 à 2 administrations |
Ceftazidime (IV) |
75-100 mg/kg/24h |
En 3 à 4 administrations ou perfusion continue après une dose de charge de 2g sur 1 heure |
Imipénème (IV) |
2 à 3 g/24h |
En 3 à 4 administrations |
Glycopeptides - Posologies à adapter secondairement aux taux sériques |
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Vancomycine (IV) |
30-40 mg/kg/24h, |
Toutes les 12 h, ou en perfusion continue sur VVC ou piccline |
Teicoplanine (IV, IM, SC hors AMM) |
6-12 mg/kg/24h après dose de charge, puis selon taux sériques résiduels (cible 20 mg/L, 30 mg/L si staphylocoque avec CMI au seuil de sensibilité) |
Toutes les 24 h, après 5 doses de 6-12 mg/kg toutes les 12 h |
Fluoroquinolones (IV, PO) |
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400 (à 600 mg)/24h |
En 2 à 3 prises |
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1 500 à 2 000 mg/24h PO ; |
En 3 prises |
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500 à 1000 mg/24h |
En 1 à 2 prises |
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Divers |
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Doxycycline (PO) |
200 mg/24h |
En 1 à 2 prises |
Rifampicine (IV, PO) |
600 à 1200 mg/24h |
En 1 à 2 prises, à distance des repas |
Clindamycine (IV, PO) |
1,8 à 2,7 g/24h |
En 3 ou 4 prises avec repas ou collation |
Acide fusidique (IV, PO) |
1 500 mg/24h |
En 3 prises |
Cotrimoxazole (IV, PO) |
480 mg/2400 mg/24h à 640 mg/3200 mg/24h |
En 2 à 3 prises |
Linézolide (PO) |
1200 mg/24h |
En 2 prises |
Tédizolide (PO) |
200 mg/24h |
En 1 prise |
Daptomycine (IV) |
8-10 mg/kg/24h |
En 1 administration |
Ertapénème (IV, SC hors AMM) |
1 à 2 g/24h |
En 1 ou 2 administrations |
Méropénème (IV) |
4 à 6 g/24h |
En 3 administrations |
Imipénème (IV) |
2 à 4 g/24h |
En 2 à 4 administrations |
Traitements associés
- Immobilisation antalgique en position de fonction, pour une durée la plus courte possible
- Prise en charge rééducative la plus précoce possible, passive puis active, pour récupération/maintien des amplitudes articulaires
Place des CRIOAc (centres de référence pour la prise en charge des IOA complexes)
Les formes complexes doivent au minimum bénéficier d'un avis au cours d'une RCP d'un CRIOAc, ou être prises en charge directement dans ce centre de référence.
Les IOA nécessitant un avis en CRIOAc sont celles répondant aux critères de complexité suivants :
- Selon le type de programme chirurgical : situations chirurgicales nécessitant des gestes majeurs d'excision, de couverture, de reconstruction osseuse ou prothétique
- Selon la prise en charge thérapeutique antérieure : situation d'échec de première(s) prise(s) en charge
- Selon la microbiologie : microorganisme particulier, germes résistants ou allergie(s) aux antibiotiques limitant les possibilités thérapeutiques
- Selon le terrain : toute défaillance viscérale sévère interférant avec le programme thérapeutique
Autre information
- Recommandations françaises 2020 sur la prise en charge des arthrites septiques sur articulation native de l'adulte: Couderc M. et al, Joint Bone Spine 2020 Dec;87(6):538-547.